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Contrefaçon d'une oeuvre de l'esprit devant le juge répressif : appréciation de l'antériorité de l'oeuvre originale

Affaires - Immatériel
03/04/2018
Doit être censuré l'arrêt d'appel qui, pour débouter le demandeur dans une action en contrefaçon d'une oeuvre de l'esprit, retient que ce dernier ne rapporte pas la preuve, d'une part, de la date certaine de la création originale et, d'autre part, d'un apport créatif particulier permettant de donner une dimension esthétique originale à ses créations, sans vérifier, comme le soutenait le demandeur, l'antériorité de la divulgation du modèle au vue des pièces tendant à démontrer sa commercialisation et sans apprécier l'oeuvre revendiquée dans son ensemble au regard des différents éléments, fussent-ils connus, qui la composent, pris en leur combinaison.
C’est l'un des enseignements d'un arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 20 mars 2018.

En l'espèce, des agents de l'administration des douanes ont saisi des montres susceptibles d'être des marchandises contrefaisantes d'un modèle. A la suite des plaintes déposées par le titulaire des droits et les douanes, la société commercialisant les marchandises litigieuses a été poursuivie pour contrefaçon par reproduction d'une oeuvre de l'esprit au mépris des droits de l'auteur, atteinte aux droits du créateur d'un dessin ou modèle et contrebande de marchandises prohibées. En première instance comme en appel, les demanderesses ont été déboutées. Elles ont alors formé un pourvoi en cassation.
 
Avant de censurer l'arrêt appel, au visa de l'article 593 du Code de procédure pénale, en énonçant la solution précitée, la Cour de cassation rappelle certains principes gouvernant l'action en contrefaçon devant les juridictions répressives.
D'abord, il résulte des articles 79 à 81 du règlement n° 6/2002 du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires, et des articles L. 522-1 et L. 522-2 du Code de la propriété intellectuelle que les règles de compétence particulières édictées en matière de contrefaçon ne concernent que les juridictions civiles.

En outre, les procédures suivies devant les juridictions répressives du chef de contrefaçon n'entrant pas dans le champ d'application du règlement précité, lesdites juridictions ne sont pas tenues de respecter les articles 85 et suivants de ce texte concernant la présomption de validité des dessins et modèles communautaires et le règlement des litiges relatifs à leur nullité.

Ensuite, l'administration des douanes est sans intérêt à critiquer les motifs relatifs au délit de contrefaçon par reproduction d'une oeuvre de l'esprit au mépris des droits de l'auteur, alors que l'infraction douanière poursuivie consistait dans la détention sans autorisation de marchandises contrefaisantes, en l'espèce des produits incorporant un dessin ou modèle communautaire.
 
Par Vincent Téchené
Source : Actualités du droit