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Confiscation et peine d’emprisonnement sans sursis : ces décisions doivent être motivées

Pénal - Procédure pénale
26/06/2020
La Cour de cassation, dans un arrêt du 24 juin 2020, vient censurer une décision de la cour d’appel qui n’avait justifié ni la nécessité d’une peine d’emprisonnement sans sursis ni la nécessité et la proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété par la confiscation de patrimoine. 
Dans un arrêt du 24 juin 2020, la Cour de cassation s’est penchée sur deux points :
- la motivation d’une décision prononçant une peine d’emprisonnement sans sursis ;
- la nécessité et la proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété par la confiscation de patrimoine.
 
En l’espèce, le procureur de la République fait citer un homme, à l’issue d’une enquête préliminaire, pour travail dissimulé et blanchiment et deux femmes, pour blanchiment. Le tribunal correctionnel décide de relaxer l’intéressé du chef de travail dissimulé, mais déclare les demandeurs coupables des autres faits et les condamne. Prévenus et ministère public interjettent appel.
 
Une des accusés est condamnée à huit mois d’emprisonnement. La cour d’appel estime qu’au regard de l’étendue de sa participation aux faits, de son passé judiciaire exclusivement lié à des infractions d’appropriation de biens, « il paraît équitable et adapté de prononcer à son encontre une peine de huit mois d’emprisonnement sans aménagement ab initio afin de permettre au juge de l’application des peines d’instaurer un aménagement compatible avec ses contraintes de mère de famille que la Cour méconnaît en l’état ».
 
Après un pourvoi en cassation, la Haute juridiction censure l’arrêt, au visa de l’article 132-19 du Code pénal. Elle précise que le juge qui prononce une peine d’emprisonnement sans sursis « doit en justifier la nécessité au regard de la gravité de l’infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère inadéquat de toute autre sanction ». Et dans l’hypothèse où la peine n’est pas supérieure à deux ans ou un an pour une personne en état de récidive légale, le juge qui n’aménage pas la peine peut, « soit constater une impossibilité matérielle de le faire, soit motiver spécialement sa décision au regard des faits de l’espèce, de la personnalité du prévenu et de sa situation matérielle, familiale et sociale ».
 
En l’espèce, la Cour de cassation estime que la cour d’appel qui ne s’est pas expliquée sur le caractère inadéquat d’une autre sanction et qui aurait pu apprécier la faisabilité d’une mesure d’aménagement alors que la prévenue était présente à l’audience et pouvait répondre à toutes leurs questions, a méconnu les dispositions du Code pénal.
 
Aussi, il était reproché à l’arrêt d’avoir prononcé à titre de peine complémentaire, la confiscation d’une somme saisie sur le compte assurance-vie de deux des prévenus et la confiscation d’un bien immobilier à l’encontre de la troisième.
 
Au visa des articles 1er du Protocole additionnel à la CEDH, 132-1du Code pénal et 485, 512 et 593 du Code de procédure pénale, la Cour de cassation censure l’arrêt. Elle rappelle que, « hormis le cas où la confiscation, qu’elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue le produit ou l’objet de l’infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte portée au droit de propriété de l’intéressé lorsqu’une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d’office lorsqu’il s’agit d’une confiscation de tout ou partie du patrimoine ». Ce principe a déjà été affirmé par un arrêt de la chambre criminelle du 16 janvier 2019 (Cass. crim., 16 janv. 2019, n° 17-86.581).
 
Elle confirme également sa position résultant d’un arrêt du 29 janvier 2020 (Cass. crim., 29 janv. 2020, n° 17-83.577) : le juge, avant de décider d’une éventuelle confiscation, doit s’assurer du caractère confiscable, préciser la nature et l’origine de ce bien, le fondement de la mesure et le cas échéant, s’expliquer sur la nécessité et proportionnalité de la peine.
 
Ainsi, la cour d’appel qui a prononcé cette peine « à titre de peine complémentaire en application de l’article 324-7 12° du Code pénal », sans s’expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété par la confiscation de patrimoine et alors que les prévenus avaient invoqué dans leurs conclusions le caractère disproportionné des confiscations, n’a pas justifié sa décision.
 
La cassation est donc encourue mais « sera limitée aux peines prononcées à l’encontre des demandeurs dès lors que la déclaration de culpabilité n’encourt pas la censure ».
 
Source : Actualités du droit