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Livre V – Du jugement

Pénal - Procédure pénale, Informations professionnelles, Droit pénal général
04/11/2019
Le jugement des mineurs nécessite des dispositions particulières concernant notamment le déroulement des débats, la publicité, la procédure et les voies de recours offertes. D’autant plus que, les modifications les plus importantes portent sur le jugement du mineur. 
Titre I – Dispositions générales
Chapitre I – Des débats
Ce chapitre encadre le déroulement des débats et notamment l’ordre de passage qui est le suivant : le mineur, les témoins, les représentants légaux et les personnes civilement responsables du mineur, la personne ou le service auquel le mineur est confié ou qui le suit, la victime ou la partie civile, le procureur de la République puis l’avocat du mineur (L. 511-1).
 
Le dernier précise que « Le mineur ou son avocat a toujours la parole en dernier ».
 
Le Code prévoit aussi l’absence du mineur à l’audience dans les cas suivants :
  • « Le juge des enfants, le président du tribunal pour enfants et le président du tribunal de police peuvent ordonner, à tout moment, que le mineur se retire pendant tout ou partie de la suite des débats » (L. 511-2) ;
  • « Le juge des enfants ou le président du tribunal pour enfants pourra, si l'intérêt du mineur l'exige, dispenser ce dernier de comparaître à l'audience. Dans ce cas, le mineur sera représenté par un avocat ou son représentant légal. La décision sera réputée contradictoire » (L. 511-3).
Chapitre II – De l’action civile
Le chapitre précise que « les victimes sont avisées et les parties civiles sont citées selon les modalités prévues par les articles 391 et 420 du Code de procédure pénale. Toutefois, lorsqu'il a été statué sur l'action civile lors de l'audience d'examen de la culpabilité, la partie civile est simplement avisée par tout moyen de la date de l'audience sur la sanction » (L. 512-1)
 
Des spécificités sont prévues à l’article L. 512-2 pour des cas où le mineur est impliqué dans la même cause qu’un ou plusieurs majeurs.
 
Une nouvelle procédure fait son apparition dans le Code par rapport à la première version du projet. Si le mineur est déclaré coupable et que sa sanction est prononcée, il est possible de renvoyer l’affaire à une date ultérieure pour statuer sur l’action civile, « afin de permettre à la partie civile d'apporter les justificatifs de ses demandes » (L. 512-3). Si ce renvoi est demandé par la partie civile, il est de droit. L’audience aura lieu soit devant le juge des enfants statuant en chambre du conseil, soit devant le tribunal correctionnel, conformément à l’article 464 du Code de procédure pénale, en raison de la gravité du préjudice, de la complexité de son évaluation et de sa liquidation. Cette procédure permet de remplir l’un des objectifs de la réforme qui se devait « d'améliorer la prise en compte des victimes » comme le rappelle le rapport au président de la République.
 
Chapitre III – De la publicité des audiences
Dans un but de protection du mineur, la publicité des débats est restreinte. D’ailleurs, « devant le juge des enfants, l’affaire est instruite et jugée en chambre du conseil » (L. 513-1).
 
Concernant le tribunal de police, le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs, seuls « la victime, qu'elle soit ou non constituée partie civile, les témoins de l'affaire, les représentants légaux, les personnes civilement responsables et les proches parents du mineur, la personne ou le service auquel celui-ci est confié, les membres du barreau ainsi que les personnels des services désignés pour suivre le mineur » peuvent assister aux débats (L. 513-2). Par dérogation, si le prévenu, mineur au moment des faits est devenu majeur, il peut demander à ce que l’audience soit publique, sous conditions (L. 513-3).
 
Au titre de l’article L. 513-4, la publication du compte rendu des débats est interdite, sauf si l’audience était publique mais l’anonymisation du mineur doit être respectée. « Le jugement ou l’arrêt rendu à l’encontre du mineur peut être publié, mais sans que les nom et prénom du mineur ne soient indiqués, même par une initiale ».
 
Titre II – De la procédure de jugement
Chapitre I – Du jugement devant le juge des enfants et le tribunal pour enfants
Section I – Dispositions générales
Le premier article de cette section, l’article L. 521-1, pose comme principe la nouvelle procédure de mise à l’épreuve éducative. Plus concrètement, il dispose que : « Sauf lorsqu'il est saisi en application du troisième alinéa de l'article L. 423-4 ou par ordonnance de renvoi du juge d'instruction, le juge des enfants ou le tribunal pour enfants statue selon la procédure de mise à l'épreuve éducative. Cette procédure comporte :
1° Une audience d'examen de la culpabilité ;
2° Une période de mise à l'épreuve éducative ;
3° Une audience de prononcé de la sanction
 ».
 
La première audience doit avoir lieu dans un délai compris entre dix jours et deux mois, une mise à l’épreuve éducative ouverte pour une période de six à neuf mois et la seconde audience dans un délai maximal de douze mois.  Ces délais sont par ailleurs critiqués par le syndicat de la magistrature, qui estime qu’ils « ne sont pas tenables au regard des effectifs (des magistrats, greffiers ou encore des éducateurs) et non pertinents par rapport au temps éducatif, ils contraignent trop les jeunes mineurs », a déclaré Sophie Legrand lors de la conférence de presse organisée par un collectif intersyndical.
 
Cette procédure de jugement en deux phases permet notamment de se mettre en conformité avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui relevait qu’ « en permettant au juge des enfants qui a été chargé d'accomplir les diligences utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et qui a renvoyé le mineur devant le tribunal pour enfants de présider cette juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines, les dispositions contestées portent au principe d'impartialité des juridictions une atteinte contraire à la Constitution » (Conseil constit., 8 juill. 2011, n° 2011-147 QPC)
 
Pour Béatrice Voss, avocate, « cette mise à l’épreuve éducative remplace le temps éducatif ».
 
Par exception, la juridiction peut, par décision motivée, statuer lors d’une audience unique, sur la culpabilité du mineur mais aussi sur la sanction. Pour cela, elle doit avoir recueilli les observations des parties, considérer qu’elle est assez informée sur la personnalité du mineur et qu’il n’apparaît pas nécessaire d’ouvrir une période de mise à l’épreuve éducative. L’article L. 521-2 encadre cette hypothèse et précise que ne peut être prononcée une peine « que si le mineur a déjà fait l'objet d'une mesure éducative, d'une mesure judiciaire d'investigation éducative, d'une mesure de sûreté, d'une déclaration de culpabilité ou d'une peine prononcée dans le cadre d'une autre procédure et ayant donné lieu à un rapport datant de moins d'un an versé au dossier de la procédure ».
 
Dans le cas où la juridiction estime que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, elle peut, d’office ou à la demande d’une partie, renvoyer l’affaire à une prochaine audience, dans un délai ne pouvant excéder trois mois selon l’article L. 521-3. Dans cette situation, l’autorité de jugement doit statuer sur le prononcé, le maintien ou la modification de la mesure éducative judiciaire provisoire et de sûreté. Si le mineur est en détention provisoire, le délai pour le jugement sur la culpabilité et sur la sanction, ne peut excéder un mois à partir du jour de la première comparution devant le tribunal.
 
Si la juridiction estime « que la complexité de l’affaire nécessite des investigations supplémentaires approfondies », elle peut renvoyer le dossier au procureur de la République. Il devra statuer sur la prolongation des mesures de sûreté ou éducative ou statuer sur son maintien en détention (L. 521-5). « Le jugement est prononcé au plus tard dans un délai d’un mois après l’audience, sauf dans les affaires présentant une particulière complexité » précise l’article L. 521-6.
 
Section II – De la procédure de mise à l’épreuve éducative
La procédure de mise à l’épreuve éducative est devenue la procédure de principe. L’exception étant l’audience unique.
 
Sous-section I – De l’audience d’examen de culpabilité
L’audience d’examen de culpabilité suppose que « la juridiction statue sur la culpabilité du mineur et, le cas échéant, sur l'action civile » (L. 521-7). 
 
Le juge des enfants peut renvoyer l’affaire à une audience d’examen de culpabilité devant le tribunal pour enfants, lorsque la personnalité du mineur, la gravité ou la complexité des faits le justifie. L’audience doit avoir lieu dans un délai compris entre 10 jours et deux mois. Cette décision constitue une mesure d’administration judiciaire, non susceptible de recours.
 
Dans cette situation, le juge des enfants doit statuer, par décision spécialement motivée, « sur le prononcé, le maintien ou la modification d'une mesure éducative judiciaire provisoire ou d'un placement sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique » (L. 521-8).
 
Dans le cas où une période de mise à l’épreuve éducative est en cours pour des faits antérieurs, la juridiction « n'ouvre pas, sauf décision contraire motivée, une période de mise à l'épreuve éducative pour les nouveaux faits pour lesquels le mineur est déclaré coupable. La mise à l'épreuve en cours s'étend à ces faits ». Mais, elle peut modifier les mesures pour les adapter à son évolution. Et « La juridiction renvoie le mineur pour le prononcé de la sanction à l'audience déjà fixée pour le prononcé de la sanction des faits antérieurs, sous réserve que celle-ci intervienne dans un délai d'au moins dix jours » (L. 521-11).
 
Quant à l’article L. 521-12, il encadre le dessaisissement.
 
Sous-section II – De la période de mise à l’épreuve éducative
Durant la période de mise à l’épreuve éducative (sous-section 3), « le suivi du mineur au cours de la période de mise à l’épreuve éducative est placé sous le contrôle du juge des enfants » comme l’annonce l’article L. 521-13.
 
Il peut donc prescrire, modifier ou lever la mesure à tout moment au cours de la mise à l’épreuve éducative, y compris quand elle s’étend à des faits nouveaux (L. 521-15) et délivrer à l’encontre d’un mineur un mandat de comparution, d’amener ou d’arrêt en cas d’incident (L. 521-16).
 
L’article L. 521-14 prévoit que la juridiction statuant sur la culpabilité et donc, ordonnant l’ouverture d’une période de mise à l’épreuve éducative, peut imposer :
  • une expertise médicale ou psychologique ;
  • une mesure judiciaire d’investigation éducative ;
  • une mesure éducative judiciaire provisoire ;
  • un contrôle judiciaire ou une assignation à résidence avec surveillance électronique.
S’agissant de la durée de ces mesures, elles « expirent à la date fixée par la décision et en tout état de cause lors du prononcé du jugement sur la sanction ». Sachant que « La période de mise à l’épreuve éducative peut être prolongée une seule fois, pour une durée maximum de trois mois, par le juge des enfants » prévoit l’article L. 521-21. Cette décision est une mesure d’administration judiciaire, non susceptible de recours.
 
Lorsque, « l'évolution de la situation du mineur pendant la période de mise à l'épreuve éducative le justifie, le juge des enfants peut, dans les conditions prévues au second alinéa de l'article L. 521-9, modifier la date de l'audience de prononcé de la sanction ou la juridiction de renvoi précédemment fixée, sous réserve que la nouvelle audience intervienne dans un délai d'au moins dix jours ». Dans cette situation, « les parties en sont alors avisées, et elles sont citées à la nouvelle audience conformément aux dispositions des articles 550 à 566 du code de procédure pénale ». La décision de modification de la date d’audience n’est pas susceptible de recours.

Le juge des enfants peut aussi décider, d’office ou sur réquisitions du procureur de la République, de convoquer le mineur à une audience de prononcé de la sanction dans un délai minimum de dix jours avant le terme de la période de mise à l’épreuve éducative s’il ne respecte pas le contrôle judiciaire ou l’assignation à résidence avec surveillance électronique (L. 521-20). Il peut aussi convoquer le mineur à un débat contradictoire pour révoquer le contrôle judiciaire et le placer en détention provisoire. Si le mineur ou son avocat demande un délai pour préparer la défense, la prochaine audience ne peut avoir lieu dans un délai supérieur à quatre jours (L. 521-21).
 
Lorsque le juge des enfants prononce la révocation du contrôle judiciaire et ordonne le placement en détention provisoire, elle ne peut excéder un mois (L. 521-22). Il peut à tout moment demander sa mise en liberté et le juge des enfants devra statuer dans un délai de cinq jours suivant la communication au procureur de la République. « Faute par le juge des enfants d'avoir statué dans le délai fixé par le premier alinéa, le mineur peut saisir la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel qui, sur les réquisitions écrites et motivées du procureur général, se prononce dans les cinq jours de sa saisine faute de quoi le mineur est mis d'office en liberté sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées. Le droit de saisir dans les mêmes conditions la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel appartient également au procureur de la République » (L. 521-23).
 
Sous-section III – De l’audience de prononcé de la sanction
L’article L. 521-24 prévoit qu’ « à l'audience de prononcé de la sanction, la juridiction statue sur la sanction et, le cas échéant, sur l'action civile ». La juridiction pourra demander la jonction de prononcé de la sanction lorsque plusieurs procédures sont engagées à l’encontre d’un même mineur (L. 521-25).  
 
Section III – De la procédure de jugement en audience unique
Par exception, la juridiction peut statuer lors d’une audience unique sur la culpabilité et la sanction.
 
Chapitre II – Du jugement devant la cour d’assises des mineurs
Pour les jugements rendus par la cour d’assises des mineurs, l’article L. 522-1 prévoit que :
« Après l'interrogatoire des accusés, le président de la cour d'assises des mineurs peut, à tout moment, ordonner que l'accusé mineur se retire pendant tout ou partie de la suite des débats. Concernant l'accusé mineur, le président pose, à peine de nullité, les deux questions suivantes :
1° Y a-t-il lieu d'appliquer à l'accusé une condamnation pénale ?
2° Y a-t-il lieu d'exclure l'accusé du bénéfice de l’atténuation de peine prévue aux articles L. 121-5 et L. 121-6 ? ».
 
Titre III – Des voies de recours
Les mineurs peuvent contester les décisions rendues à leur encontre grâce aux voies de recours.
 
Chapitre I – De l’appel
Section I – Dispositions générales
Il est possible de faire appel des jugements rendus à l’encontre d’un mineur par le tribunal de police, le juge des enfants et le tribunal pour enfants devant la chambre spéciale des mineurs de la cour d’appel (L. 531-1). Pour les appels formés contre les arrêts de la cour d’assises, il est fait application du Code de procédure pénale.
 
Section II – De l’appel de la décision sur la culpabilité et sur la sanction
« Il peut être interjeté appel de la décision sur la culpabilité et de la décision sur la sanction dans les délais et selon les modalités prévues par le Code de procédure pénale » (L. 531-3) ;
- en cas d’appel contre une décision déclarant le mineur coupable : « si la cour d'appel n'a pas statué sur l'appel de la décision sur la culpabilité avant la décision sur la sanction, l'appel est alors considéré comme portant à la fois sur la décision sur la culpabilité et sur la décision sur la sanction, sauf désistement de l'appelant ». 
- en cas d’appel portant sur une décision de relaxe : « si la cour d'appel déclare le mineur coupable des faits qui lui sont reprochés et ouvre une période de mise à l'épreuve éducative conformément aux dispositions de l'article L. 521-9 ou constate que la période de mise à l'épreuve éducative en cours s'étend à ces nouveaux faits conformément aux dispositions de l'article L. 521-11, elle statue s'il y a lieu sur les mesures provisoires et renvoie le dossier au juge des enfants compétent pour le suivi des mesures et pour la fixation de l'audience sur la sanction dans les conditions prévues aux articles L. 521-13 à L. 521-23. Toutefois, la cour d'appel statue en audience unique lorsqu'il est fait application des dispositions de l'article L. 521-2 ou lorsque le jugement attaqué a été rendu selon les modalités prévues à l'article L. 521-26 ».
 
Section III – De l’appel des mesures de sûreté
Les appels des décisions de placement sous contrôle judiciaire, détention provisoire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique seront examinés par la chambre des mineurs « dans les délais et selon les modalités prévues devant la chambre de l’instruction par les articles 194 et 199 du Code de procédure pénale » (L. 531-4).
 
Chapitre II – De l’opposition
Les dispositions mentionnées dans le Code de procédure pénale pour ce qui concerne l’opposition aux jugements du tribunal de police, du juge des enfants et du tribunal pour enfants, sont applicables. « Dans le cas d'une opposition formée à une décision prononcée par le juge des enfants ou le tribunal pour enfants à l'audience d'examen de la culpabilité, la juridiction de jugement statue de nouveau dans les deux mois de l'opposition »  (L. 532-1).
 
Source : Actualités du droit