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Des mesures éducatives et des peines applicables aux mineurs

Pénal - Procédure pénale, Droit pénal général
05/07/2019
Dans son premier livre, le projet de code de justice pénale des mineurs prévoit la mise en place de nouvelles mesures pouvant être prononcées à l’encontre du mineur.  Il organise aussi les différentes peines pouvant être imposées aux mineurs.
Le premier paragraphe du Rapport d’information donne le ton, « le mineur coupable n’est pas un délinquant comme les autres et son jeune âge est considéré comme un atout en vue d’atteindre son redressement moral et éducatif ». Des mesures éducatives pourront donc être mises en place (Titre I : Les mesures éducatives).
 
Dispositions communes aux mesures éducatives Le chapitre du projet de Code de justice pénale des mineurs prévoit de nouvelles sanctions pouvant « être prononcée cumulativement avec une peine » (L. 111-3). Elles seront au nombre de deux (L. 111-1) :
- « L’avertissement judiciaire » ;
- « la mesure éducative judiciaire ».
 
Au titre de l’article L. 111-2, « les mesures éducatives mentionnées à l’article L. 111-1 peuvent être prononcées par le juge des enfants, par le tribunal pour enfants et par la cour d’assises des mineurs. Le tribunal de police peut prononcer un avertissement judiciaire à l’égard d’un mineur déclaré coupable d’une contravention des quatre premières classes ».
 
Il est précisé à l’article L. 111-5 que « les mesures éducatives prononcées à l’égard d’un mineur ne peuvent constituer le premier terme de récidive ».
 
Concernant la mesure éducative judiciaire (chapitre 2) – le projet précise qu’il s’agit d’un « accompagnement individualisé construit à partir d'une évaluation de la situation personnelle, familiale, sanitaire et sociale du mineur. Elle vise sa protection, son assistance, son éducation, son insertion et son accès aux soins » (article L. 112-1).
 
Au titre de l’article L. 112-2 du projet, le juge pourra décider, dans ce nouveau cadre, d’une confiscation d’objet, de l’obligation d’effectuer un stage civique, d’une interdiction d’aller et venir sur la voie publique (à partir d’une certaine heure), de l’interdiction d’entrer en contact avec des personnes concernées mais aussi pourra prononcer la mise en place de quatre modules :
  • le module insertion (articles L. 112-5 à L. 112-7) qui consiste « en une orientation du mineur vers une prise en charge scolaire ou visant à son insertion sociale, scolaire ou professionnelle, adaptée à ses besoins » (L. 112-5) ; ce module ne peut excéder un an, renouvelable une fois (L. 12-6) ;
  • un module réparation (articles L. 112-8 à L. 112-10) qui consiste « en une activité d’aide ou de réparation à l’égard de la victime ou dans l’intérêt de la collectivité » ou « en une activité de médiation entre le mineur et la victime » (L. 112-8) ; l’accord de la victime est indispensable à la mise en place de ce module (L. 112-10) et la durée ne peut excéder un an (L. 112-9) ;
  • un module santé qui nécessite l’avis médical circonstancié d’un médecin ; il prévoit une « prise en charge sanitaire adaptée à ses besoins », « un placement en établissement de santé » ou « dans un établissement médico-social » (L. 112-11) ; le placement suppose l’audition du mineur et de ses représentants légaux ;
  • un module placement qui prévoit que le mineur peut être confié « à un membre de sa famille ou une personne digne de confiance », « à un établissement du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse » ou « à une institution ou un établissement éducatif privé habilité » (L. 112-14) ; dans ce cadre, le juge des enfants ou le tribunal pourra décider du placement après avoir auditionné le mineur et ses représentants légaux (L. 112-15) ; Sonia Ollivier, du Syndicat national des personnels de l’éducation et du social (SNPES), dénonce le fait que le placement soit devenu une sanction et non plus une protection.
 
« Dans le cadre des mesures éducatives, il n’y a plus la remise à parents, s’est insurgée Laurence Roques lors de la conférence de presse organisée par les professionnels de la justice et cela sous-entend que le projet n’associe pas les acteurs fondamentaux de la justice des mineurs. Sous l’ordonnance de 1945, les parents étaient intégrés dans le processus de sanction mais aujourd’hui les mesures éducatives ne font pas sens avec ces acteurs principaux ». La remise à parents, à tuteurs, à personne qui avait la garde ou à une personne digne de confiance était prévue à l’article 15 de l’ordonnance de 1945. Nicole Belloubet, dans son interview donnée à la Gazette du Palais, a précisé que « l’admonestation ou la remise à parents – termes d’un autre temps – deviennent l’avertissement judiciaire ».
 
Concernant la durée de cette mesure, l’article L. 112-3 dispose que « la mesure éducative judiciaire est prononcée pour une durée n’excédant pas trois années. Elle peut être prononcée même si l’intéressé est devenu majeur au jour de la décision mais prend fin au plus tard lorsqu'il atteint vingt et un ans ».
 
Le projet du futur Code de la justice des mineurs prévoit notamment que « la mesure éducative judiciaire (peut être prononcée à titre provisoire à tous les stades de la procédure avant le prononcé de la sanction », selon l’article L. 322-1. Les articles L. 322-1 à L. 322-3 encadrent sa mise en place.
 
Régime du placement du mineur (chapitre III)  L’article L.113-1 précise que les « père et mère du mineur bénéficiant d’une mesure de placement au titre du présent code continuent à exercer tous les attributs de l’autorité parentale qui ne sont pas inconciliables avec cette mesure ». Et rajoute que « Toutefois, la personne, le service ou l’établissement auquel l’enfant est confié accomplit tous les actes usuels relatifs à sa surveillance et à son éducation ».
L’article L. 113-3 prévoit le « contrôle visuel » des effets personnels du mineur et « l’inspection des chambres où séjournent ces mineurs ». Et le dernier article du chapitre (L. 113-8) organise le placement dans les centres fermés.
 
Le titre II, relatif aux peines – Il se veut conforme au principe selon lequel la responsabilité des mineurs doit être atténuée par rapport à celle des majeurs. Cette idée est reprise à l’article L. 011-5 du projet : « La responsabilité pénale des mineurs est atténuée en fonction de leur âge ». L’ordonnance de 1945 le prévoyait déjà dans son article 20-2 notamment : « la peine privative de liberté (ne peut être) supérieure à la moitié de la peine encourue ». Le collectif intersyndical conteste pour autant cette atténuation, dénonçant « un copier-coller de la justice des majeurs, avec notamment les procédures rapides ».
 
Des peines encourues, chapitre 1erIl prévoit l’interdiction de prononcer certaines peines à l’encontre des mineurs comme la peine de jour-amende ou celle d’affichage ou de diffusion de la condamnation (L. 121-1). Il précise que les peines privatives de liberté ne peuvent être supérieures à la moitié de la peine encourue pour les mineurs d’au moins 13 ans (L. 121-5). Précisant que « si la peine encourue est la réclusion criminelle ou la détention criminelle à perpétuité, elle ne peut être supérieure à vingt ans de réclusion criminelle ou de détention criminelle ». Pour les amendes, aucune peine supérieure à la moitié de la peine encourue ne peut être prononcée à l’encontre d’un mineur, ni une peine excédant 7 500 euros (L. 121-6). L’article L. 121-7 précise quelques exceptions concernant les mineurs de plus de seize ans comme l’éventuelle non-application des règles d’atténuation.
 
Le chapitre II « contenu et modalités d’application de certaines peines » – Il organise notamment :
  • le travail d’intérêt général : « applicables aux mineurs âgés de seize à dix-huit ans au moment de la décision, lorsqu’ils étaient âgés d’au moins treize ans à la date de commission de l’infraction » (L. 122-1) ; Sophie Legrand du Syndicat de la magistrature dénonce cette mesure en estimant que « cela va créer des inégalités par rapport aux délais de jugement qui varient » ;
  • une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis probatoire : la juridiction de jugement peut décider d’obligations spécifiques à l’encontre du mineur, à l’instar d’un stage de formation civique (L. 122-2) ;
  • l’interdiction de placer sous surveillance électronique mobile un mineur (L. 122-3) ;
  • le contenu du stage adapté à l’âge du mineur lorsqu’il doit faire application d’une peine de stage (L. 122-4) ;
  • une peine de détention à domicile sous surveillance électronique, qui ne peut être supérieure à la moitié de la peine encourue (L. 122-5) ; Sonia Ollivier du SNPES, s’en méfie, estimant que cette mesure peut être « très mauvaise » pour le mineur.
 
Concernant le prononcé des peines (Chapitre III) – Il est prévu que la peine d’emprisonnement, ne peut être prononcée qu’à l’encontre d’un mineur ayant au moins treize ans. Elle doit être « spécialement motivée » par le tribunal pour enfants (L. 123-1).
 
Le dernier chapitre relatif au régime d’incarcération des mineurs – Il prévoit que la détention du mineur doit avoir lieu dans un quartier pour mineurs dans un établissement pénitentiaire ou une unité spéciale au sein de la maison d’arrêt, soit dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour mineurs. « Les établissements ou quartiers garantissent une stricte séparation des détenus mineurs et majeurs » selon l’article L. 124-2 du projet.



 
Source : Actualités du droit