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Jugement des crimes sans jury : l’expérimentation de la cour criminelle commencera le 13 mai 2019

Pénal - Procédure pénale, Vie judiciaire, Informations professionnelles
26/04/2019
Pris pour l’application de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, l’arrêté du 25 avril 2019 fixe les lieux et la date de début de l’expérimentation de la cour criminelle. Le point sur les règles applicables à l’expérimentation du jugement des crimes sans jury populaire.
Mesure contestée de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (art. 63, L. n° 2019-222, 23 mars 2019, JO 24 mars), la création du « tribunal criminel départemental », finalement dénommée « cour criminelle » constitue une exception – expérimentale – au jugement des crimes par la cour d’assises, telle que nous la connaissons : la cour proprement dite (le président et au moins deux assesseurs ; C. pr. pén., art. 243 et s.) et le jury (six jurés en premier ressort ; neuf jurés en appel ; C. pr. pén., art. 296). La cour criminelle sera en effet exclusivement composée de magistrats professionnels.
Cette dérogation, pour l’instant temporaire (pour une durée de 3 ans), s’inscrit dans une double finalité : rendre plus rapide le jugement des crimes et limiter la pratique de la correctionnalisation.
 

Jugement des crimes sans les jurés

 

Qui ?

 
Pourront être jugées :
  • les personnes majeures ;
  • accusées d’un crime puni de quinze ans ou de vingt ans de réclusion, hors état de récidive légale ;
  • mises en accusation au plus tard deux ans après le 13 mai 2019.
 
Conformément à l’article 63 de la loi de programmation (L. n° 2019-222, préc.), rappelons que la cour criminelle est :
  • compétente pour le jugement des délits connexes ;
  • incompétente s'il existe un ou plusieurs coaccusés ne répondant pas aux conditions précitées.
 
Si la cour criminelle estime, au cours ou à l'issue des débats, que les faits dont elle est saisie constituent un crime puni de trente ans de réclusion criminelle ou de la réclusion criminelle à perpétuité, elle doit renvoyer l'affaire devant la cour d'assises (voir infra).
 
La cour criminelle est assimilée à la cour d'assises pour ce qui concerne l’application des dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.
 
 

Quand ?

 
Les mises en accusation par le juge d’instruction ou par la chambre de l’instruction se feront devant la cour criminelle :
  • à compter du 13 mai 2019 (art. 2, II, 1°Arr. 25 avr. 2019) ;
  • y compris si un réquisitoire définitif tendant à la mise en accusation devant la cour d’assises a déjà été pris. Le cas échéant, le procureur de la République peut rappeler la compétence de la cour criminelle, par des réquisitions supplétives (art. 2, II, 1°Arr. 25 avr. 2019) ;
  • pendant une durée de trois ans à compter du 13 mai 2019.
 
Plus précisément (art. 63, L. n° 2019-222, préc.) :
  • les personnes déjà mises en accusation devant la cour d'assises (avant le 13 mai 2019) peuvent être renvoyées devant la cour criminelle, avec leur accord recueilli en présence de leur avocat, sur décision du premier président de la cour d'appel ;
  • les personnes mises en accusation devant la cour criminelle dans un délai de deux ans à compter du début de l'expérimentation et non encore jugées dans un délai de trois ans à compter du 13 mai 2019, sont de plein droit mises en accusation devant la cour d'assises.
 
Les premières audiences interviendront à compter du 1er septembre 2019 (art. 2, III, Arr. 25 avr. 2019).
Sur proposition du ministère public, l'audiencement de la cour criminelle est fixé par son président ou, à la demande du procureur général, par le premier président de la cour d'appel (art. 63, II, al. 4, L. n° 2019-222, préc.).
 

Où ?


L’article 63 de la loi de programmation (L. n° 2019-222, préc.) prévoit que l’expérimentation doit avoir lieu « dans au moins deux départements et au plus dix départements ».
En application de l’article 1er, I de l’arrêté du 25 avril, les départements concernés sont les suivants :
  • Ardennes ;
  • Calvados ;
  • Cher ;
  • Moselle ;
  • Réunion ;
  • Seine-Maritime ;
  • Yvelines.
Rappelons que la cour criminelle siège au même lieu que la cour d'assises (art.63, L. n° 2019-222, préc.).
 

Par qui ?

 
La cour criminelle sera exclusivement composée :
  • de cinq magistrats professionnels choisis par le premier président de la cour d'appel :
    • pour le président, parmi les présidents de chambres et les conseillers du ressort de la cour d'appel,
    • pour les 4 assesseurs, parmi les conseillers et les juges de ce ressort ;
  • dont, le cas échéant, un maximum de deux magistrats honoraires juridictionnels ou exerçant à titre temporaire, au sens de l’article 41-25 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 (art. 63, II, al. 2, L. n° 2019-222, préc.).
 

Comment ?


L’article 63, II, alinéas 5 et suivants de la loi de programmation (L. n° 2019-222, préc.) précise les modalités de la mise en accusation et du jugement des crimes par la cour criminelle.
 
Mise en accusation. — La mise en accusation se fera selon les modalités, inchangées, de l’article 181 du Code de procédure pénale. Il convient néanmoins de noter que :
  • le délai maximum de comparution de l’accusé détenu, à peine de remise en liberté est réduit d’un an à six mois (C. pr. pén., art. 181, al. 8) ;
  • il ne peut être procédé qu'à une seule prolongation de ce délai (C. pr. pén., art. 181, al. 9).
 
Procédure antérieure aux débats. — Pour le jugement proprement dit, la cour criminelle applique les dispositions des articles 231 et suivants du Code de procédure pénale, sous les réserves suivantes : 
  • il n'est pas tenu compte des dispositions qui font mention du jury ou des jurés ;
  • les attributions confiées à la cour d'assises sont exercées par la cour criminelle ; celles confiées au président de la cour d'assises sont exercées par le président de la cour criminelle ;
  • ne sont pas applicables :
    • les articles 254 à 267 du Code de procédure pénale (conditions d'aptitude aux fonctions de juré et formation du jury),
    • l'article 282 du Code de procédure pénale (signification de la liste des jurés de session),
    • les articles 288 à 292 du Code de procédure pénale (révision de la liste du jury),
    • les deuxième et dernier alinéas de l'article 293 du Code de procédure pénale (formation du jury de jugement en audience publique et présence de l'avocat de l'accusé à cette occasion non prescrite à peine de nullité),
    • les articles 295 à 305 du Code de procédure pénale (récusation des jurés et opérations de formation du jury de jugement).
 
Décision de la cour criminelle. — Les décisions sont prises à la majorité (C. pr. pén., art. 359, décision défavorable à l’accusé ; C. pr. pén., art. 360, déclaration affirmative et C. pr. pén., art. 362, décision sur la peine).
 
La cour criminelle doit délibérer en étant en possession de l'entier dossier de la procédure. Les deux derniers alinéas de l'article 347 du Code de procédure pénale ne sont pas applicables (dépôt du dossier au greffe et éventuel transport du dossier dans la salle des délibérations).
 
Requalification des faits. — Si la cour criminelle estime, au cours ou à l'issue des débats, que les faits dont elle est saisie constituent un crime puni de trente ans de réclusion criminelle ou de la réclusion criminelle à perpétuité, elle renvoie l'affaire devant la cour d'assises.
Si l'accusé comparaissait détenu, il demeure placé en détention provisoire jusqu'à sa comparution devant la cour d'assises ; dans le cas contraire, la cour criminelle peut, après avoir entendu le ministère public et les parties ou leurs avocats, décerner, par la même décision, mandat de dépôt ou mandat d'arrêt contre l'accusé.
 
Voie de recours. — L'appel des décisions de la cour criminelle est examiné par la cour d'assises dans les conditions prévues au titre Ier du livre II du Code de procédure pénale pour l'appel des arrêts rendus par les cours d'assises en premier ressort (C. pr. pén., art. 380-1 et s.).
Source : Actualités du droit