Retour aux articles

Conduite sous l’empire d’un état alcoolique : la Cour de cassation reconnaît l’application de « marges d’erreur » dans la mesure par éthylomètre

Pénal - Droit pénal spécial
Transport - Route
04/04/2019
Il se déduit de l'article 15 de l'arrêté du 8 juillet 2003 que le juge, lorsqu'il est saisi d'une infraction pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique, doit vérifier que, dans le procès-verbal qui fonde la poursuite, il a été tenu compte, pour interpréter la mesure du taux d'alcool effectuée au moyen d'un éthylomètre, des marges d'erreur maximales prévues par ce texte.

Au cas de l’espèce, un conducteur avait fait l’objet, à la suite d’un dépistage d’imprégnation alcoolique positif, des vérifications destinées à établir la preuve de l’état alcoolique au moyen d’un éthylomètre, qui a mesuré des taux successifs de 0,43 mg/l puis 0,40 mg/l d’alcool dans l’air expiré. Le conducteur a formé opposition à l’ordonnance pénale prononcée contre lui et a été déclaré coupable de conduite sous l’empire d’un état alcoolique. Le conducteur et le ministère public ont relevé appel de ce jugement.

En cause d’appel, pour écarter le moyen tiré du défaut de fiabilité de l’éthylomètre résultant de l’absence de mention de l’organisme ayant procédé à la vérification périodique, l’arrêt a énoncé qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’imposait, à peine de nullité, que le nom dudit organisme figure au procès-verbal.

Par ailleurs, pour écarter le moyen tendant à la requalification du délit initial en la contravention de l'alinéa 2 de l’article R. 234-1 du Code de la route, l’arrêt a retenu que l’argument tenant à la marge d’erreur était inopérant, deux taux supérieurs ou égaux à la limite légale ayant été relevés, à quinze minutes d’intervalle, sur un individu ayant reconnu avoir consommé, une heure avant le contrôle routier, deux verres de bière. Un pourvoi est formé par le conducteur.

S’agissant du premier moyen, la Haute juridiction considère qu’il appartenait à la cour d’appel de rechercher l’organisme ayant procédé à la vérification de l’appareil et de soumettre cet élément au débat contradictoire sur la preuve.

Surtout, pour parvenir à la solution susvisée, la Haute juridiction énonce qu'elle juge (nous soulignons) régulièrement que les marges d'erreur prévues par l’arrêté du 8 juillet 2003 peuvent s'appliquer à une mesure effectuée lors d'un contrôle d'alcoolémie, mais que l'interprétation des mesures de la concentration d’alcool dans l’air expiré effectuées au moyen d'un éthylomètre constitue pour le juge une faculté et non une obligation (Cass. crim., 24 juin 2009, n° 09-81.119, P+B).

La Cour constate qu’une diversité d'appréciation entre les juges du fond, relativement à la prise en compte ou non de ces marges d'erreur en est résultée, qui n’est pas conforme aux dispositions de l'alinéa 3 du I. de l’article préliminaire du Code de procédure pénale aux termes duquel les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles.

D'ailleurs, le Conseil d'État a récemment jugé qu'il appartient au représentant de l'État qui prononce une suspension du permis de conduire en application de l'article L. 224-2 du Code de route, de s'assurer que les seuils prévus par l'article L. 234-1 du même code ont été effectivement dépassés et par suite de prendre en compte la marge d'erreur maximale tolérée par l'arrêté susvisé (CE 5e et 6e ch., 14 févr. 2018, n° 407914 ; v. Conditions de suspension du permis de conduire dans les 72 heures suivant la rétention, Actualités du droit, 23 févr. 2018).

En conséquence, en se déterminant ainsi, alors que seule ladite contravention pouvait être caractérisée, quel que soit le taux retenu et compte tenu de la marge d'erreur réglementaire de 8 % de la valeur mesurée pour les concentrations égales ou supérieures à 0,400 mg/l, la cour d'appel a méconnu l'article 15 de l'arrêté du 8 juillet 2003 et le principe ci-dessus énoncé.

Par June Perot

Source : Actualités du droit