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Refus du prévenu de se soumettre à une expertise psychiatrique : appréciation souveraine du trouble mental par les juges

Pénal - Procédure pénale
01/03/2019
Le 20 février 2019, la chambre criminelle de la Cour de cassation s’est prononcée sur l’appréciation souveraine des juges qui, confrontés au silence du détenu, ont estimé qu’il n’était pas atteint d’un trouble mental ayant altéré son jugement.
En l’espèce, le requérant, après avoir rejoint l’organisation terroriste « État islamique » en Irak puis en Syrie, avait été condamné en France par un tribunal correctionnel à une peine de neuf ans d’emprisonnement assortie d’une période de sûreté des deux tiers, ainsi qu’à une inscription au fichier national automatisé des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT). En appel, la cour avait confirmé la peine prononcée par le tribunal, en y ajoutant une interdiction des droits civils et civiques pour une durée de dix ans.

Le requérant forme un pourvoi en cassation. Son avocat affirmait en effet que les juges, confrontés au refus de son client de se faire examiner pour d’éventuels troubles psychiques ou neuropsychiques ayant, soit aboli, soit altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes, auraient dû rechercher s’il n’était pas atteint d’un trouble mental.

Autrement dit, il s’agissait de déterminer dans quelles conditions les juges, confrontés au refus du prévenu de se livrer à des examens afin de déceler d’éventuels troubles psychiatriques, peuvent le condamner à une peine privative de liberté sans ordonner une expertise.
 
Quelques précisions sur la responsabilité pénale de la personne atteinte de troubles psychiques ou neuropsychiques
L’article 122-1 du Code pénal énonce deux causes d'irresponsabilité ou d'atténuation de la responsabilité pénale :
– irresponsabilité pénale : selon l’alinéa premier, « n'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes » ;
– atténuation de la responsabilité : selon le second alinéa, lorsque de tels troubles ont seulement altéré le discernement ou entravé le contrôle des actes de l’intéressé, celui-ci « reste punissable », mais la juridiction doit « (tenir) compte de cette circonstance lorsqu'elle détermine la peine et en fixe le régime ».

La cour d’appel, pour condamner le prévenu, retenait que ses agissements étaient « graves », qu’il avait « fait preuve de dissimulation et d’une mauvaise foi patente », et que la gravité des faits et la personnalité du requérant rendaient « nécessaire le prononcé d’une peine d’emprisonnement ferme, toute autre sanction étant manifestement inadéquate ».

Pour la Cour de cassation, la cour d’appel « n’a pas méconnu le droit au silence du prévenu » et « a souverainement estimé que l’intéressé, ayant refusé de se soumettre à une expertise psychiatrique, n’était pas atteint d’un trouble mental ». Sa décision confirmant la peine d’emprisonnement était ainsi légalement justifiée.

À noter : la Chambre criminelle avait rappelé en 2015 les dispositions du deuxième alinéa de l’article 122-1 du Code pénal en ces termes : « si la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement encourt une peine privative de liberté, celle-ci est réduite du tiers, la juridiction pouvant toutefois, par une décision spécialement motivée en matière correctionnelle, décider de ne pas appliquer cette diminution de peine » (Cass. crim., 15 sept. 2015, n° 14-86.135, Bull. crim., n° 198).
Source : Actualités du droit