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Garde à vue des mineurs : assistance effective de l’avocat et droit de ne pas s’auto-incriminer

Pénal - Droit pénal général, Procédure pénale
12/06/2018
Méconnaît les dispositions de l’article 6 § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme la décision de culpabilité d’une cour d'appel fondée sur les seules déclarations effectuées par la personne mineure placée en garde à vue sans avoir pu bénéficier de l’assistance effective d’un avocat.
Dans cette affaire, la mère d’une mineure s’était présentée aux services de police, accompagnée de sa fille, pour y dénoncer des faits de viol commis par un mineur, avec la complicité d'un second mineur. Les deux garçons, âgés de quatorze ans ont été entendus en garde à vue sans l’assistance d’un avocat. Après avoir soutenu que la relation sexuelle qu’avait eue l’un d’eux avec la jeune fille avait été consentie, ils ont finalement reconnu que celle-ci n’avait pas été consentante. Mis en examen par un juge d’instruction, les deux mineurs se sont immédiatement rétractés, assurant avoir reconnu les faits dénoncés sous la pression des policiers et par peur d'être séparés de leurs familles. Ils ont été mis en accusation à l’issue de l’information des chefs de viol en réunion et complicité.

Les juges du tribunal pour enfants statuant en matière criminelle les ont relaxés, en relevant notamment que les accusés n’avaient pas bénéficié d’un avocat durant la mesure de garde à vue et que la mineure n’avait pas été constante dans ses déclarations sur les circonstances des faits. Un appel a été interjeté.

Assistance obligatoire d'un avocat

En cause d’appel, pour déclarer les deux mineurs coupables, l’arrêt a retenu les dernières déclarations effectuées par les deux mineurs au cours de la garde à vue, immédiatement et constamment rétractées devant le juge d’instruction. Il a rejeté toute possibilité de pression policière sur les mineurs du seul fait que ces auditions ont été réalisées par des fonctionnaires spécialisés dans l'audition des mineurs auteurs-victimes. Enfin, les juges ont relevé que s'il est établi que la mineure a varié dans ses déclarations sur le nombre de personnes présentes ou sur la chronologie des faits, il n'en demeure pas moins que ses déclarations ont été constantes sur les éléments principaux de l’infraction dénoncée, que l’expert psychologue a constaté une grande souffrance chez la mineure et que l'expert psychiatre n’a pas relevé de signes cliniques susceptibles de mettre en doute ses propos.

La Haute juridiction écarte ce raisonnement et censure l’arrêt.

Pour mémoire, la loi « J21 » du 18 novembre 2016 (loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle) a rendu obligatoire l’assistance par un avocat du mineur gardé à vue. Auparavant, l’ordonnance de 1945 prévoyait une simple « faculté » : le mineur « pouvait demander à » être assisté.

Par June Perot
Source : Actualités du droit